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Wednesday, December 15, 2010

Le nouveau Code de la route profite aux spéculateurs et crée des incompréhensions au sein de la population.

Les effets secondaires du code de la route commencent donc à se faire sentir. Et de quelle manière ! Vigilance et prudence ont été pourtant les maîtres-mots pendant les premières journées de l’application du nouveau code. Cependant, la multiplicité des textes d’application at souvent induit une mauvaise interprétation de certaines dispositions. C’est ainsi que des rumeurs concernant l’obligation de posséder des extincteurs et des gilets retro-réfléchissants dans les véhicules de tourisme ont fusé de partout. Réponse du ministère : «Seuls les camions de marchandises dont la charge est supérieure à 3,5 tonnes, sont concernés». D’ailleurs, sur ce volet, les professionnels de la sécurité en ont profité pleinement. Avant le premier octobre, date de l’application du nouveau code, les extincteurs de 5 Kg par exemple se négociaient de 350 DH à 400 DH hors taxes chez les distributeurs. Aujourd’hui, le prix a doublé et le produit se fait rare. Même les extincteurs jetables de 1 Kg, qui ne coûtaient que 40 DH, se négocient aujourd’hui au prix de 120 DH. C’est dire que le nouveau Code de la route a profité à certains spéculateurs qui attendaient pareille occasion pour faire fructifier leur chiffre d’affaires. Du côté des gilets retro-fléchissant, les prix sont stables voire même inférieurs grâce à la disponibilité du produit chinois en grande quantité.

Tomate : 20 DH/kg
S’agissant de spéculation, c’est sur le cas du marché de gros qu’il faut s’attarder. L’effet respect de la loi a engendré une montée inflationniste des prix à la consommation, l’un des effets les plus effrayants de l’application de la fameuse «Moudawana». La cause en est le doublement du coût du transport. En effet, les transporteurs, surtout les camions de 8 tonnes, sont habitués à une surcharge de leurs camions qui peut atteindre 15 tonnes. Depuis l’entrée en vigueur du Code de la route, ils ont vu leur cargaison réduite de moitié. De plus, en respectant la limitation de vitesse, la fréquence de leurs voyages a été réduite de façon considérable. Ces deux facteurs ont eu pour conséquence un renchérissement de leurs prestations. Dans le secteur agricole, c’est l’amont et l’aval de la chaîne qui vont être chamboulés. Le fermier se verra facturer des charges supérieures à celles qu’il paye d’habitude pour la livraison des matières premières pour sa ferme aggravant ainsi ses charges d’exploitation. Par ailleurs, les spéculateurs e autres intermédiaires profitent de cette situation pour maximiser leurs marges. Avec les dernières pluies, on craint d’ailleurs le pire. En effet, pour les spéculateurs, les intempéries sont une occasion en or pour tirer les prix vers le haut. «Ne soyez pas surpris si le prix de la tomate frôle les 20 DH le kilo au marché !» dit un observateur.

L’immobilier trinque!
Même constat pour le secteur de l’immobilier. En effet, une bonne partie du transport du ciment se fait par camions de 8 tonnes. Une recrudescence des prix du transport impactera sans doute les coûts de revient des promoteurs immobiliers.
«C’en est trop pour un secteur du BTP qui peine à suivre les aléas conjoncturels depuis trois ans déjà !» se plaignent les professionnels. Mais le plus alarmant reste le secteur des minotiers. Un prix à la hausse de la farine signifie une baguette de pain plus chère. D’où l’intervention automatique de la Caisse de compensation pour pallier toute éventuelle hausse touchant un produit de première nécessité.
Sauf que cette fameuse caisse qui garantit une paix sociale est à sec depuis le mois de juin dernier. Solution ? On y réfléchit. Le renchérissement des produits a touché tous les secteurs où les petits camions de 8 tonnes sont considérés comme principal moyen de transport. Des secteurs névralgiques pour l’économie marocaine sont donc affectés. Aujourd’hui, ce n’est plus l’affaire du seul ministère du Transport, c’est tout le gouvernement qui se penche sérieusement sur cette problématique. Récemment, Karim Ghellab ministre de l’Equipement et du Transport, a eu des réunions avec Nizar Baraka, ministre des Affaires économiques et générales pour essayer de contenir le problème des spéculateurs grâce à des mesures de contrôle plus draconiennes. «Nous allons sévir», avait-t-il prévenu.

Des anomalies prévisibles
«Le vrai challenge de promulguer le nouveau code a été relevé par M. Ghellab. Le vrai défi n’est pas seulement de l’appliquer mais d’en limiter les conséquences et les effets secondaires», déclare un professionnel du transport. Pour rappel, une semaine avant l’entrée en vigueur du code révolutionnaire, Abdelilah Hifdi, président de la commission Transport au sein de la CGEM (Confédération générale des entreprises du Maroc) avait tiré la sonnette d’alarme, faisant part de son inquiétude. «La question qu’il faudra se poser est de savoir si on sera capable d’absorber en un temps aussi court des réformes révolutionnaires touchant plusieurs segments socioéconomiques du pays ?» M. Hifdi estime que de telles anomalies dans la chaîne logistique et du transport de marchandises étaient prévisibles. Il eût fallu, selon lui, une période transitoire de six mois afin de communiquer davantage sur les nouvelles dispositions de cette «Moudawana». Apparemment, le nouveau Code de la route, aussi efficace soit-il, s’avère hors de prix et aux conséquences désastreuses pour l’économie du pays. Mais c’est aussi le prix à payer pour sauver des vies.
Mohamed Amine Hafidi

Le Ministère prépare son plan de riposte

«Si des incompréhensions ont été relevées à partir du 1er octobre, c’est que le volet communication du ministère de l’Equipement et du Transport a fait défaut», commente un cadre d’un département ministériel qui a requis l’anonymat. Ce dernier reproche au ministère de tutelle de vouloir tout centraliser sans coordination avec les autres départements ministériels. Même s’il voulait être rassurant quant au bon cheminement des nouvelles dispositions, le département a tardé en termes de communication et d’explication des nouvelles mesures touchant surtout les professionnels du secteur. Ces professionnels se sont retrouvés du jour au lendemain face à une nouvelle donne plus rigide, plus efficace, certes mais qui a démontré la faiblesse du tissu économique marocain et son incapacité à pouvoir suivre des réformes structurelles instantanées. «Les effets du nouveau Code de la route ont été positifs. Nous sommes en train de préparer un communiqué relatif à la surenchère des produits alimentaires survenue ces derniers jours et qui relève de la seule responsabilité des spéculateurs», déclare Khadija Bourara, Directrice de la Communication au sein du ministère de l’Equipement et du Transport. Mme Bourara a insisté entre autres sur les campagnes de communication et de sensibilisation qui ont été diffusées dans divers supports (spots radio, télévision, presse écrite, affiches…) pour sensibiliser l’opinion publique.

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