Pages

Tuesday, December 14, 2010

Le code de la discorde

Il était temps que Karim Ghellab s'explique
à la télévision. Il l'a fait dans l'émission
Hiwar, animée par Mustapha Alaoui sur la
première chaîne, le mardi 10 avril 2007. La dernière
grève des transporteurs a complètement
paralysé le pays, avec des répercussions dommageables
pour nombre de secteurs, tels l'exportation
des agrumes et primeurs, le tourisme,
l'approvisionnement en hydrocarbures des stations-
services et des aéroports, le fonctionnement
des ports et l'ensemble du flux commercial et humain. Les
pertes et le manque à gagner se comptent par dizaines de
millions de dirhams. À l'origine de cette grande perturbation
de la vie publique, à l'échelle nationale, le nouveau projet du
code de la route.
Les trois journalistes questionneurs se sont d'abord demandé
si cette grève pouvait être évitée. Il a été reproché au ministre
un déficit en dialogue avec les transporteurs. Celui-ci
s’en est défendu, mettant en avant la difficulté de négocier
dans un secteur qui compte plus de soixante syndicats. C'est,
en effet, le Premier ministre, engageant la responsabilité du
gouvernement, qui a dénoué la crise. Ce qui est apparu comme
un désaveu de Karim Ghellab. Gêné mais réactif, le ministre
a dû rappeler, avec une pointe d'amertume, que ce projet
a été exposé en conseil de gouvernement, qui l'a adopté;
il a été débattu dans les commissions spécialisées des deux
chambres du Parlement; de même qu'il a été soumis à l'appréciation
des walis des grandes villes du pays. Karim Ghellab
semblait dire qu'il ne fallait pas lui faire porter le chapeau,
dès lors que la responsabilité est partagée.
Le ton est monté d'un cran lorsque le contenu du
projet et les causes de son rejet par les transporteurs
ont été abordés. Deux aspects seront, tour
à tour, épinglés: la contrainte par corps et le montant
des amendes en cas d'accident ou d'infraction.
Les mesures draconiennes privatives de liberté
ont été vigoureusement dénoncées. Dans
un pays où les routes tuent dix personnes par
jour, le ministre du Transport n'a eu aucun mal
à se mettre du côté des victimes. Il a tout de même rappelé
que tous les transporteurs ne sont pas des tueurs et que l'essentiel
des mesures prévoyant des sanctions d'emprisonnement
figuraient déjà dans l'ancien code datant de 1953. Elles
n'étaient tout simplement pas appliquées.
Côté amendes, celles-ci ont été jugées exorbitantes. La note
démarre à 400 dirhams pour un dépassement de vitesse,
puis 1.500 dirhams pour un feu rouge grillé; elle peut atteindre
10.000 dirhams en cas d'infraction grave. Il a été rappelé
au ministre que ces amendes revues à la hausse peuvent
également être indexées sur le montant du bakchich pour y
échapper.
En clair, lui a-t-on dit, le relèvement des amendes ne fera que
renchérir la corruption. Sur la question des dos d'âne installés
à tout bout de champ, au point qu'ils entravent la circulation
et bousillent les véhicules, le ministre du Transport et
de l'Équipement a ouvertement exprimé son désaccord, renvoyant
la responsabilité aux conseils des villes. Sauf qu'il est
lui-même membre du conseil de Casablanca.

No comments:

Post a Comment